Entre absence et manque de fiabilité du conseil agricole, l’Essai & l’Erreur comme mode alternatif privilégié par le paysan au Jitumu…
« L’autre jour, Jonathan me disait qu’il était le seul à avoir pu récolter un peu de riz de tous les paysans auxquels cette variété avait été allouée dans le Jitumu l’an passé… il était catégorique, lors de son passage ici au champ, que ce n’est pas du nérica. Mais me sollicite d’attendre et de voir moi-même pour qu’on puisse se le raconter ultérieurement » déclare Sibiry tout en débarquant de la moto pour nous conduire, à travers des herbes déjà jaunissantes, au champ de riz encore verdoyant devant nous.
Il n’a pas du tout le cœur au sourire que nous lui demandons d’afficher pour les besoins de nos photos lors de cette visite à son champ. Son riz n’a pas du tout été à la hauteur de ses attentes malgré son respect des normes lui ayant été conseillées…Les 100 kg de semence de riz l’ayant été alloués avec les spécifications afférentes en début de campagne 2016-17 par les services d’agriculture de Ouelessebougou ; se révèlent, en phase d’exploitation, être une variété autre que le nérica. Encore au mois de novembre 2016, c’est-à-dire 6 mois après son semi ; le riz de Sibiry n’est pas encore prêt d’être récolté. Ce qui lui coûte actuellement beaucoup plus d’investissement en temps et moyens de surveillance qu’il n’avait prévu….
En dehors de Sibiry plusieurs autres paysans font cas de ce problème de longueur de cycle avec les semences de riz leur ayant été allouées au titre de la subvention agricole 2016-17 dans le Jitumu. Toutefois nous préférons illustrer nos propos par son cas, parce que c’est sur son champ que nous avons la chance d’effectuer une visite de terrain en ce moment de récolte.
En effet, les impermanences du conseil et du suivi agricole ainsi que les incohérences qu’il peut parfois comporter sont des facteurs considérables dans la désaffection paysanne pour les services de conseil agricole ici au Mali. Les causes des facteurs qui en sont responsables peuvent être internes ou externes. Les premières trouvent leurs origines dans la mauvaise transmission d’une information au niveau du secteur de base Agricole et les secondes situent leurs causes dans les services nationaux éloignées des communes rurales d’utilisations des intrants agricoles concernées. Ce sont ces dernières qui sont les plus difficilement rectifiables. Ils impliquent plusieurs niveaux de responsabilités parfois si éclatés que l’on ne sait à qui s’adresser en particulier. Dans les cas des soja et riz ayant fait l’objet de publications Cibarani, il s’avère que les services d’agriculture de Ouelessebougou ont réceptionnés et livrés au titre de la subvention 2016-17, lesdits intrants sans spécifications techniques ni aucun protocole explicatif.
Pourtant, il n’est pas à démontrer combien la défaillance des agents techniques agricoles à pourvoir les conseils justes et vrais impacte très négativement la perception paysanne des services de conseils et de vulgarisation agricole ici en milieu rural Malien. La dichotomie entre « Agriculture de papier » et « Agriculture de terrain » à laquelle elle conduit, dans la logique paysanne, complique énormément les efforts de vulgarisation des méthodologies et technologies agricoles issues de la Recherche. C’est aussi cela qui explique largement la réticence du paysan malien lambda à adopter et à s’approprier les bonnes pratiques avérées par cette même recherche.
Voilà qui explique pourquoi ici au Jitumu & environ comme dans de nombreux autres endroits du Mali ; l’essai et l’erreur restera encore pour un temps, la méthode la plus usitée par les paysans dans la conduite de leurs exploitations agricoles. Même si cela n’est pas ce qui met le mieux à l’abri des défis de sécurité alimentaire actuel, ils conduisent à des résultats assumés et améliorables au fil du temps par le paysan lui-même.
